Ma mère est décédée à 30 ans d’un cancer et j’ai donc été suivie très tôt. J’avais 8 ans et on m’a fait beaucoup de radios, mais aucune trace de polypes. J’ai repassé les mêmes examens à 12 ans et toujours rien sur les clichés. Ma grand-mère a alors dit : « Peut-être que tu n’as pas la maladie ». Mais lors de ma grossesse quelques années plus tard, j’avais régulièrement mal au ventre et ma grand-mère m’a conseillé de consulter le médecin qui avait soigné ma mère. Il avait été le médecin de ma mère et de mon grand-père et il a très vite vu que l’histoire se répétait. Ça a été ma chance.
Ma grand-mère savait que j’avais aussi hérité de la maladie familiale et elle a délicatement demandé si je ne voulais pas avorter, mais je n’en avais nullement l’intention. Le médecin qui me suivait à l’époque a aussi dit qu’il y avait de fortes chances pour que mon enfant ne soit pas porteur de la maladie. Il a même dit à ma grand-mère que j’avais de bonnes chances de ne pas mourir d’un cancer. Ses propos ne reposaient sur rien de vraiment fondé, mais bon ça me donnait de l’espoir.
À deux mois de grossesse, on a alors découvert que j’avais des polypes dans le gros intestin. On ne parlait pas encore alors de polypes familiaux, ce diagnostic n’est tombé que bien plus tard. Mais on a bien vu que le problème se manifestait au moins sur trois générations successives. On a aussi très vite parlé d’opération. Cela est revenu sur le tapis après l’accouchement. Un jour, j’avais 23 ans, je suis allée aux toilettes et j’ai eu des pertes de sang. J’étais paniquée. Mon médecin traitant m’a envoyée à l’hôpital à Louvain. Finalement, cela a encore duré 3 ans avant que j’y atterrisse réellement. En 1974, j’ai été admise à l’hôpital Sint Rafael pour une opération des intestins. On ne m’a pas vraiment donné beaucoup d’informations sur le genre d’intervention ou les conséquences. Je suis restée un mois à l’hôpital où on a pris un nombre incalculable de radios du gros intestin. J’ai donné mon accord pour utiliser ces clichés dans le cadre des cours donnés aux futurs médecins. J’étais une sorte de curiosité.
On voulait m’opérer pour me retirer l’intestin et effectuer une stomie permanente. J’ai refusé parce que je trouvais que j’étais beaucoup trop jeune. J’ai dit que je ne voulais pas d’opération m’obligeant à vivre le reste de mes jours avec une stomie. J’ai alors subi une opération, une anastomose iléo-rectale avec pose d’une stomie temporaire et j’ai trouvé ça supportable. J’ai eu 6 mois d’incapacité de travail et j’ai encore repris le travail avec ma stomie temporaire. Mais c’était un enfer parce que j’avais constamment peur des petits accidents. Quand on m’a retiré ma stomie, j’ai de nouveau eu une période d’adaptation où j’ai dû apprendre à identifier ce que je digérais ou pas.
José a un fils et est quatre fois grand-mère. Elle est passionnée de photographie et aime passer l’été dans le Sud. Elle nous parle de sa vie avec la FAP.
Mon fils avait 5 ans à mon opération. Il était alors clair qu’il s’agissait d’une maladie héréditaire et il devait donc aussi être suivi. En plus de ma mère, j’ai en effet aussi une tante qui est morte à 24 ans d’un cancer des intestins. Il y avait donc clairement une composante héréditaire familiale. Mon fils a subi ses premiers examens à l’âge de 10 ans. Il avait un examen de contrôle tous les deux ans et à 17 ans, alors qu’on pensait qu’il n’avait pas hérité de la maladie, on a aussi découvert chez lui des polypes dans le gros intestin. Il a donc aussi déjà été opéré à 18 ans. Mais sans stomie temporaire cette fois grâce aux nouvelles techniques d’opération.
J’ai trouvé horrible d’avoir transmis la mutation. J’en ai pleuré pendant des semaines. Mais mon fils Chris s’est très bien accommodé de ce qui lui arrivait. Il avait bien sûr vu l’exemple de sa mère, moi donc, qui menait une vie relativement normale avec la maladie. Tout allait donc relativement bien.
Aujourd’hui, je sais ce que je supporte ou pas et je peux donc dire que j’ai le « contrôle » de la situation. Un verre de vin provoquait ainsi le plus souvent une gêne et de la diarrhée. Je le savais et je décidais donc seule d’en boire un ou pas. Mais j’aurais bien sûr bien aimé que la mutation s’arrête à moi au lieu de la transmettre. Ça n’a malheureusement pas été le cas.
Est alors venu le moment où mon fils a entamé une relation avec une fille. Comme je l’ai déjà dit, Chris avait déjà subi une opération à 18 ans et il était formel : il ne voulait pas d’enfants. Mais son amie, qui est devenue sa femme par la suite, voulait des enfants et elle estimait que s’il y avait une chance que les enfants ne soient pas atteints, il fallait la saisir. On savait déjà que chaque enfant d’un parent atteint de polypose avait 50 % de chances d’hériter de la mutation.
Mon fils a alors dit : si on a des enfants, je n’en veux pas un, mais plusieurs. Il en finalement eu quatre et les trois plus jeunes sont porteurs de la mutation. L’aîné, une fille, n’a pas la maladie. Mais cela a eu un impact moins important que chez mon fils. La médecine a bien sûr énormément évolué et les enfants ont déjà deux exemples qui montrent que l’on peut parfaitement vivre avec la maladie. Les enfants – les deux garçons ont déjà été opérés – ont repris leurs activités normales après l’opération.
Ils vont à l’école et font du sport comme avant. Mon fils, leur père donc, a très peu souffert de son opération des intestins alors que moi, je dois toujours faire attention à ce que je mange. Grâce à la FAPA, nous sommes bien informés à travers le site internet ainsi que des lettres et des séances d’information. Faire partie d’une telle association permet d’une manière générale de ne pas se sentir seul et d’avoir de meilleures connaissances et donc un certain contrôle de la maladie.
Je n’ai jamais réfléchi au fait que la FAP était une maladie rare. Environ 800 personnes sont atteintes de cette maladie en Belgique, dont 5 dans ma famille proche, et j’aimerais que l’on en parle plus. Mais je ne me sens pas comme quelqu’un qui aurait tiré le mauvais lot.
J’ai subi une deuxième opération en 1999 pour la pose d’une poche, avec de nouveau une stomie temporaire. Mais rien de traumatisant. Le seul moment où j’ai eu vraiment peur, c’est quand j’ai eu 30 ans, l’âge auquel ma mère est décédée. Mais je me suis toujours dit depuis lors que ça allait aller.
Même si je m’inquiète parfois pour l’avenir de mes petits-fils. Ils commencent à sortir et à avoir des petites copines. Quand vont-ils leur dire qu’ils sont atteints d’une maladie héréditaire ? Que se passera-t-il s’ils décident d’avoir des enfants ? Le diagnostic prénatal a fait beaucoup de progrès, mais cela suppose aussi parfois de devoir prendre des décisions déchirantes.
En ce qui concerne ma plus jeune petite-fille, qui est aussi porteuse de la mutation, ce ne sera pas non plus évident de devenir maman, surtout après une opération aussi invasive des intestins. Lors de ma grossesse, on m’a dit que toutes les « attaches » dans le ventre avaient énormément changé après l’opération des intestins. Que je devrais rester allongée si je voulais accoucher à terme d’un deuxième enfant. Ma consolation est qu’elle a encore quelques années devant elle et la science pourra encore progresser d’ici là. Mais ma petite-fille de 15 ans a déjà une attitude relativement adulte par rapport à cela. Elle a dit par exemple l’année dernière que ce n’était pas grave si elle devait déjà être opérée, qu’au moins ce serait fait. Mais pour le moment, elle croque la vie, comme la plupart des filles de 15 ans ! »
Pour de plus amples informations, voyez le site de FAPA http://www.belgianfapa.be/fr.