Lenie, notre fille de 14 ans, souffre d’épilepsie pharmacorésistante. Grâce au combat que nous menons depuis 8 ans, le nombre de crises a diminué, mais aussi leur gravité.
Lenie n’a pas plus de risque que les autres de contracter le coronavirus, mais le fait d’être malade et d’avoir de la fièvre augmente le risque de crises. Nous en avons fait l’expérience à de nombreuses reprises par le passé, à notre grand regret. Il va sans dire que nous ne voulons pas revenir à la situation initiale : elle a dû être réanimée à deux reprises en raison d’un état épileptique réfractaire (crises persistantes de longue durée).
Ici, tout le monde est donc sur le pont depuis le mercredi 11 mars, afin de tenir à distance cet affreux virus. Depuis ce jour, Lenie ne fréquente plus son établissement d’enseignement spécialisé, son frère est à la maison et son papa fait du télétravail. Personne ne franchit plus la porte, même pas l’aide à domicile.
Nous nous lavons les mains comme jamais auparavant, avec de l’eczéma à la clé, mais ce n’est qu’un moindre mal :-). Nous rationalisons au maximum le nombre de visites au supermarché, tandis que les masques et les gants semblent faire partie de notre garde-robe depuis des années.
En dépit de ces mesures qui, espérons-le, nous assurent la protection nécessaire, mes pensées m’envahissent régulièrement. Une foule de questions surgissent : et si Lenie l’attrapait, faisait une crise sévère à la maison, entrait en détresse respiratoire et que l’aide mobile restait à l’écart ? Et si aucun respirateur n’était disponible au service des soins intensifs, où elle a déjà été admise plusieurs fois par le passé ? Et si mon mari et/ou moi contractions le virus et que personne n’était présent pour surveiller Lenie comme il se doit en cas de crise sévère ? Et si… ?
En raison de la maladie de notre fille, j’ai développé au fil du temps un trouble de stress chronique. La préoccupation incessante de son état de santé et les montées récurrentes d’adrénaline et d’angoisse chaque fois qu’elle fait une crise ont laissé de profondes blessures dans mon corps et mon esprit. Grâce à une aide professionnelle et à une aide à domicile, j’ai appris à vivre avec ce trouble de stress, à développer des mécanismes d’adaptation et à en minimiser les conséquences désagréables.
La crise surréaliste du coronavirus à laquelle nous sommes tous confrontés aujourd’hui amplifie considérablement mon angoisse. Je dois prendre énormément sur moi pour garder le calme et la raison et réprimer les éventuelles crises de panique. Je veux à tout prix éviter de transmettre mon angoisse et mon stress à mes enfants, et plus particulièrement à ma fille. Notre angoisse provoque des crises chez elle, et c’est précisément ce que nous voulons éviter à tout prix. Un cercle vicieux.