L’Agence européenne des médicaments (AEM) a autorisé, le 19 mai, la mise sur le marché du Zolgensma. Tous les Belges ont entendu parler de cette thérapie génique lors de la grande action par SMS menée l’année dernière pour aider la petite Pia, atteinte d’amyotrophie spinale (AS, ou SMA en anglais). Cette autorisation était attendue depuis longtemps. Le sujet du Spinraza, l’autre médicament qui pourrait tout changer pour les personnes atteintes d’AS, est, lui aussi, revenu à l’ordre du jour.
Les deux dossiers ont été acceptés sous conditions, même si la procédure de mise sur le marché en Belgique du Zolgensma ne fait que commencer. Les autorisations restent conditionnelles, car le fonctionnement des produits n’est pas encore assez connu, en particulier leurs effets à long terme.
Les critères utilisés sont-ils toutefois adaptés aux patients ? Ils devraient en effet refléter la réelle valeur ajoutée pour eux. La possibilité de se lever, par exemple, revêt énormément de valeur pour un patient même s’il ne peut pas marcher pour autant. La capacité à mâcher fait, elle aussi, toute la différence pour une personne malade. La voix du patient doit être entendue lors des négociations !
Notre pays s’associe avec les Pays-Bas et l’Irlande au sein de la structure BeNeLuxA afin d’être plus fort dans les négociations avec le producteur. Il s’agit d’une initiative de la ministre belge de la Santé publique, Maggie De Block. Ces pays réaliseront d’abord conjointement le « health technology assessment » (HTA) du traitement. C’est-à-dire que des experts en analyseront la valeur thérapeutique.
Proposition a été faite au Conseil européen de rendre obligatoires les « joint Health Technology Assessments » (évaluations conjointes des technologies de la santé) pour toute l’Union européenne. Collecter et évaluer l’ensemble des données qui permettent d’analyser la valeur (ajoutée) des nouveaux traitements est un travail intensif. Une mission qui gagnerait en importance et en rapidité si toutes les agences nationales européennes collaboraient pour la réaliser. L’évaluation finale de la valeur ajoutée serait en outre homogène sur tout le territoire européen. Le temps et l’énergie ainsi économisés seraient, bien sûr, également à l’avantage du producteur, l’industrie pharmaceutique. Cette économie pourrait par ailleurs influencer la tarification.
Le fait qu’un produit soit effectivement disponible sur le marché pour tous les patients dépend bien entendu de la négociation de son prix. À la suite du HTA, la Belgique, les Pays-Bas et l’Irelande entameront également conjointement ces négociations pour le Zolgensma.
Une bonne chose, sans aucun doute ! Il serait cependant préférable une fois encore de coopérer avec un plus grand nombre d’États membres européens, voire avec l’ensemble d’entre eux. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Les différences qui existent dans l’organisation des soins de santé entre les États membres européens, dans leur puissance financière ainsi que la grande crainte que ressentent de nombreux pays à l’idée de perdre de leur autonomie ne nous permettent pas d’espérer de progrès dans ce domaine, à court terme. Bien que tout le monde reconnaisse pourtant que la coopération renforcerait notre position face au producteur lors des négociations.
Le prix ? Le Zolgensma s’est fait connaître du grand public l’année dernière comme « médicament le plus cher du monde » (son prix aux USA a été évalué à 2,1 millions de dollars). Test Achats a qualifié celui du Spinraza d’« exorbitant », l’été passé.
Malgré tous les arguments avancés par les producteurs, nous ne pouvons ignorer que si des médicaments innovants avec de tels prix obtiennent leur autorisation de mise sur le marché, la pression sur les soins de santé deviendra énorme. En vue d’établir une tarification équitable, les parties prenantes demandent plus de transparence quant aux coûts de développement et de production des médicaments. En nous appuyant uniquement sur la valeur ajoutée du produit, en d’autres mots, une vie humaine sauvée, à combien en estime-t-on le prix ? Ce type d’arguments nous plonge dans un discours éthiquement inacceptable. Des prix exorbitants peuvent se justifier. Mais des marges exorbitantes sur le dos de vies sauvées, non.
Qu’en est-il de l’identification des patients pour lesquels le Spinraza et le Zolgensma relèvent d’une importance vitale ? On ne cherche toujours pas à les détecter lors de la piqûre du talon, en Flandre. Le projet pilote de dépistage touche à son terme en Belgique francophone. Les experts s’accordent à dire que l’application du traitement avant l’apparition des premiers symptômes est essentielle pour être réellement efficace. Nous pouvons maintenant différencier les images des enfants qui ont été traités à temps avec le Spinraza des autres.
Quels sont les avantages des médicaments qui sauvent des vies, ceux qui changent réellement la donne, si nous ne sommes pas en mesure d’identifier ceux qui en ont besoin ? Travailler rapidement est ici encore d’une importance cruciale. RaDiOrg y voit d’ailleurs un argument de taille en faveur de la réorganisation des responsabilités en matière de soins de santé, car il révèle une anomalie : en Belgique, les médicaments sont autorisés par le gouvernement fédéral pour des maladies que le gouvernement régional décide de ne pas détecter. C’est inacceptable. Du Kafka à la sauce belge.
Le grand public prend conscience, en raison de la crise actuelle, que le développement et l’évaluation des produits de santé relèvent d’un procédé complexe qui implique la responsabilité de plusieurs acteurs. Le coronavirus a fait découvrir au monde une situation bien connue des personnes atteintes d’AS : les traitements qui ne sont pas rendus accessibles à tous sont un nouveau problème, pas une solution.
“Les traitements qui ne sont pas rendus accessibles à tous sont un nouveau problème, pas une solution.”
Nous aimerions également partager le texte de Yasemin Erbas, de SMA Belgium, écrit pour le magazine Knack du 21 mai 2020, à propos des prochaines étapes pour (continuer à) proposer le Zolgensma et le Spinraza aux patients belges. Elle appelle à la rapidité, à des critères d’inclusion larges et à poursuivre dans cette voie : il faut continuer à asseoir la position de la Belgique dans les négociations en collaborant avec d’autres pays. Il faut en outre inclure la détection de l’AS lors de la piqûre du talon, des deux côtés de la frontière linguistique. Nous ajoutons à ce propos que l’industrie pharmaceutique, en l’occurrence Novartis/AveXis, endosse une grande responsabilité. Elle détient la clé qui donnerait l’accès au traitement innovant à tous les patients : la fixation d’un prix équitable.