Dans le discours ci-dessous, Eva Schoeters, directrice de RaDiOrg, a défendu lors du Forum politique sur les maladies rares à la Chambre des représentants le 7 novembre 2024, que des soins multidisciplinaires devraient être organisés non pas pour certaines, mais pour TOUTES les maladies rares. C’est une condition nécessaire pour éliminer les inégalités dans la qualité des soins. Son intervention a été accueillie par des applaudissements et a continué à résonner dans la suite du débat avec les responsables politiques présents. Lire le texte ci-dessous.



Vous trouverez ci-dessous le texte intégral.
Une maladie rare affecte presque toujours plusieurs organes ou parties du corps, souvent 5 ou plus. Permettez-moi de vous donner quelques exemples concrets, car ce concept reste abstrait pour beaucoup. Lorsqu’il y a un minimum de connaissances sur le sujet, elles se limitent souvent à une certaine familiarité avec la SLA, la SMA, la mucoviscidose et, parfois, la maladie de Huntington ou la drépanocytose.
Un petit aperçu des milliers d’autres maladies rares :
Mc Cune Albright : prévalence 1-9/1.000.000
une maladie endocrinienne et osseuse qui a également des répercussions sur les reins et d’autres organes.
Exemple d’une jeune femme ayant eu plusieurs complications rénales, qui doit subir une intervention chirurgicale risquée sur son squelette et qui est programmée par un orthopédiste qui ne l’a pas consultée au sujet de sa complication rénale.Sclérose tubéreuse de Bourneville :
Prévalence 1-9/100 000
maladie génétique très imprévisible caractérisée par une croissance cellulaire excessive, la formation de tumeurs dans le cerveau, les reins, les poumons et dans n’importe quel organe, par de l’épilepsie, des lésions cutanées, toute une série de problèmes neuropsychiatriques, y compris des troubles du sommeil et de l’alimentation, l’autisme, des retards de développement, …Le syndrome de Wolfram :
Prévalence 1-9/1 000 000
une maladie aux variations diverses, mais en particulier un diabète sévère, divers problèmes oculaires et une perte progressive de la vision, une surdité progressive, des problèmes neurologiques possibles, y compris l’ataxie et l’épilepsie, des anomalies du système urinaire, des troubles de la fonction intestinale,… Il n’est pas rare que la maladie commence à se manifester dès l’adolescence.
Je pense que vous pouvez deviner par vous-même l’importance de la coordination entre les spécialistes impliqués. Et la nécessité d’un soutien psychologique.
La consultation multidisciplinaire est cruciale pour des maladies comme celle-ci (et des milliers d’autres !). Mais aucune structure n’est prévue pour la faciliter. Il existe évidemment des risques sanitaires majeurs lorsque les médecins ne coordonnent pas la prise en charge d’une maladie multisystémique. Des complications surviennent dans l’évolution de la maladie, dans les interactions entre les traitements et l’impact sur le patient.
Une grande et lourde responsabilité incombe au patient lui-même : il doit rassembler les informations obtenues auprès des différents professionnels de santé, poser les bonnes questions lors de consultations variées et ensuite avoir une vue d’ensemble de sa prise en charge. La différence avec l’approche adoptée pour le cancer, ainsi que pour les maladies neuromusculaires, métaboliques ou encore la mucoviscidose, ne peut pas s’expliquer par une plus grande gravité ou complexité de ces affections.

Notre actuel ministre et l’ancienne ministre de la santé publique, respectivement le ministre Vandenbroucke et la ministre De Block, ont reconnu qu’il y avait un problème dans cette organisation des soins très inégalitaire. C’est pourquoi, depuis plus de cinq ans, un modèle est en cours d’élaboration afin de répondre à la demande urgente d’organiser une prise en charge intégrée et multidisciplinaire des maladies rares et complexes, avec une coordination des soins.
Mais dans la nouvelle convention qui a été élaborée
- seuls quatre moments de consultation pluridisciplinaire sont prévus sur cinq ans, et la coordination des soins ne concerne que les cas les plus graves.
- La nouvelle convention – si elle aboutit à des amendements concrets – ne concernera que quatre maladies sélectionnées, représentant au total environ 1 000 patients.
Pouvez-vous imaginer qu’un plan de lutte contre le cancer ait été mis en place et qu’il n’ait fourni des soins adaptés qu’à 4 types de cancer ? Pouvez-vous imaginer la disparition des consultations pluridisciplinaires d’oncologie, de l’oncocoach, du psychologue dédié à l’oncologie ?
Le modèle dont beaucoup rêvent avec moi est celui d’une équipe de professionnels de la santé connaissant la maladie qui travailleraient ensemble, de manière transmurale si nécessaire, et qui élaboreraient une feuille de route pour leurs soins en consultation avec le patient. Les soins se poursuiveraient dans un centre spécialisé si nécessaire, mais à proximité du domicile dans la mesure du possible.
Le suivi et les thérapies doivent être réellement accessibles (ce qui signifie qu’elles doivent être abordables !). Avec le remboursement des frais de transport, qui va de soi pour les soins en cancérologie, mais qui n’existe pas ailleurs. Avec un soutien psychologique, une physiothérapie ou d’autres soins paramédicaux si nécessaire.
La coordination des soins est cruciale dans les maladies complexes. Les patients ne voient pas l’arbre qui cache la forêt. Et bien sûr, les soins transfrontaliers devraient également être possibles si l’expertise adéquate n’est pas disponible dans son propre pays.
Si nous voulons continuer à progresser maladie par maladie pour le grand groupe des maladies rares, nous continuerons à maintenir l’inégalité de l’encadrement et de la qualité des soins. Allons-nous vraiment continuer à favoriser des maladies parce qu’elles sont plus visibles, qu’elles ont des représentants plus forts ou qu’elles suscitent plus d’intérêt médical, scientifique et pharmaceutique que d’autres ?
Le discours sur les maladies rares met souvent l’accent sur l’accès à des thérapies innovantes et coûteuses. C’est évidemment très important. Mais avec ce thème, celui des soins multidisciplinaires, permettez-moi de vous dire que les gains de santé optimaux et la qualité de vie dépendent dans de nombreux cas tout aussi fortement de la façon dont une équipe travaille ensemble, dont elle organise les soins et soutient un patient. La qualité de l’organisation des soins sauve des vies autant qu’une médication efficace, surtout lorsqu’elle s’accompagne de l’expertise nécessaire.