Le 27 mars 2023, l’INAMI a publié sa proposition de renouvellement des procédures de remboursement. L’objectif sous-jacent : un accès rapide et durable aux médicaments pour les patients belges. La proposition contient de nombreux éléments qui nous donnent de l’espoir, mais aussi des éléments qui soulèvent encore des inquiétudes. Dans cet article, nous soulignons deux changements notables : la voix du patient sera entendue et la durée des conventions confidentielles (“managed entry agreements, art. 111-113”) sera raccourcie. Qu’est-ce que cela signifie pour les patients atteints de maladies rares ?
Reconnaissance des patients en tant qu’acteurs essentiels
La voix du patient aura sa place dans la procédure de remboursement ! La proposition de réforme mentionne un représentant des patients (et un suppléant) au sein de la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM). Ce représentant serait désigné par la Vlaams Patiëntenplatform (VPP) et la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) ; RaDiOrg n’est pas mentionné dans le texte, ce que nous regrettons. En revanche, nous nous félicitons de la présence d’un siège pour le “patient” au sein de la CRM. Il s’agit d’une première étape importante dans la reconnaissance des patients en tant qu’acteurs essentiels.
La voix du patient sera-t-elle entendue ?
La proposition de l’INAMI mentionne en outre la création d’un Conseil des patients sous la direction de la VPP et de la LUSS pour soutenir la représentation au sein du CRM.
Ce siège au CRM et ce Conseil des patients ne répondent pas encore à la demande que RaDiOrg a ajoutée à ses propositions politiques en 2021; à savoir écouter le retour des patients qui sont les premières parties concernées lors de la consultation de leurs dossiers particuliers. Nous pensons que seuls ceux qui ont l’expérience du vécu avec une maladie spécifique et qui connaissent l’effet que le médicament en question a eu ou pas sur leur qualité de vie, peuvent apporter leur contribution.
Nous ne savons pas encore comment et à quel moment de la procédure de remboursement les patients pourront fournir un tel apport d’informations qualitatives. L’INAMI a répondu positivement à notre demande de négociation sur cette question, en collaboration avec la VPP et la LUSS. Entre-temps, le défi consiste à se préparer le mieux possible, notamment en s’inspirant des modèles d’autres pays. En tenant compte du calendrier de la nouvelle procédure, RaDiOrg plaide déjà pour prévoir un espace suffisant afin de permettre un apport qualitatif du patient; en particulier dans les dossiers de patients atteints de maladies rares, des maladies avec lesquelles la CRM n’est pas familiarisée.
Délai raccourci pour les contrats
Un tout autre changement dans la proposition de la réforme du remboursement concerne la réforme des contrats confidentiels. Ceux-ci sont parfois critiqués par les médias parce qu’ils sont facilement présentés comme des accords secrets avec l’industrie pharmaceutique. Toutefois, il faut savoir que le groupe de travail chargé d’élaborer ces contrats réunit autour de la table les mêmes parties prenantes que le comité de remboursement lui-même. Mais les prix convenus ne peuvent pas être rendus publics. Les contrats sont temporaires mais, dans la pratique, ils sont souvent prolongés.
L’une des principales raisons pour lesquelles des contrats sont utilisés est que les médicaments innovants présentent encore trop d’incertitudes quant à leur valeur ajoutée pour pouvoir être inscrits définitivement sur la liste des médicaments remboursables via la CRM. Ce n’est pas un hasard si les médicaments orphelins qui peuvent bénéficier aux patients atteints de maladies rares sont presque toujours des produits innovants. Il s’agit donc par définition de médicaments pour lesquels ces contrats permettent de les mettre à la disposition des patients. En Belgique, 550.000 patients bénéficient actuellement d’un médicament faisant l’objet d’une convention confidentielle. Plus de 450.00 Belges utilisent un médicament qui a été mis à disposition depuis plus de 6 ans avec un tel contrat. Alors que la nouvelle proposition stipule que la durée maximale sera de deux fois trois ans !
Le raccourcissement de la durée des contrats à un maximum de 6 ans risque de rendre l’accès aux médicaments orphelins en Belgique encore plus difficile qu’il ne l’est déjà à l’heure actuelle. Il y a de fortes chances qu’il ne soit pas possible d’inscrire définitivement les médicaments en question comme remboursables après 6 ans par la procédure classique de la CRM. Et il est clair que la limitation à des contrats de maximum 6 ans rendra moins attrayante pour l’industrie pharmaceutique l’introduction de nouveaux dossiers en Belgique.
Pourquoi les entreprises veulent-elles des accords de prix confidentiels ?
Les accords de prix confidentiels ne sont pas possibles dans le cadre d’une procédure CRM classique. Les remises accordées par les entreprises sur le prix catalogue (le prix public demandé pour leurs produits) deviendraient publiques dans le cadre d’une procédure CRM ordinaire. L’industrie pharmaceutique ne le permettra jamais. En effet, cela aurait un impact très important sur la fixation des prix au niveau international. Sachez que le prix catalogue n’est jamais le prix réellement payé par l’INAMI. Le rapport Morse (publié par l’INAMI) montre que la remise moyenne est de 50 %. On entend dire que les remises atteignent souvent 70 % ou plus. De telles remises ne peuvent être négociées publiquement en raison du contexte international.
La Belgique, pas indépendante dans ce dossier.
La feuille de route de l’INAMI elle-même indique clairement : ” Ce n’est pas simple, car il faut tenir compte de la période d’exclusivité des médicaments, du contexte européen et de ce que prévoient d’autres autorités de remboursement ; en effet, il faut éviter que la Belgique ne s’affaiblisse comparativement parce que certains accords qui peuvent encore être conclus dans d’autres pays dans un contexte confidentiel ne peuvent plus l’être en Belgique. Cela pourrait jouer en défaveur du patient et mettre la CRM et le ministre des Affaires sociales dans une position particulièrement difficile.”
RaDiOrg se fait du souci
RaDiOrg s’inquiète de l’attractivité de l’introduction des demandes de remboursement des médicaments orphelins à un stade précoce après l’autorisation de mise sur le marché au niveau européen. Nous risquons de voir les entreprises faire attendre la Belgique. Alors qu’il faut déjà attendre en moyenne 638 jours pour que les médicaments orphelins soient remboursés en Belgique après la date d’autorisation de mise sur le marché européen ! De plus, seuls 22 des 55 médicaments orphelins autorisés en Europe sont disponibles en Belgique. Voir à ce sujet le tableau de l’indicateur 2022 d’IQVIA W.A.I.T. publié en avril de cette année.
Nous avons fait part de nos préoccupations au ministre de la Santé et à l’INAMI et nous espérons entamer bientôt des discussions pour comprendre comment ces mesures peuvent répondre à l’ambition primordiale de la réforme de parvenir à un accès rapide et durable aux médicaments.
Lees de volledige tekst
Le texte complet “Proposition de feuille de route pour le renouvellement des procédures de remboursement en vue d’un accès rapide et durable aux médicaments”, ainsi que le tableau récapitulatif de la réforme prévue des procédures de remboursement peuvent être téléchargés à partir de cette page du site web de l’INAMI.